dimanche 30 août 2009

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Ce rapport particulier du féminin et au pas-tout produit une insécurité d'être, un sentiment permanent de non tranquilité, obligeant sans cesse à un travail psychique de réaménagement (...) qui produit parfois des effets de vacillement, voire de désêtre ou de dépersonnalisation. Cela est très bien montré par Cassavetes, et par Gena Rowlands dans son interprétation de Mabel ou de Myrtle. L'introduction de la notion de pas-tout par Lacan, au début des années 70, permet de rendre compte de ce que Freud n'a pas vu dans son élaboration assez tardive de la sexualité féminine, à savoir ce qui échappe à l'ordre phallique dans la féminité." (63)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"C'est là où la psychanalyse et le cinéma, dont les naissances sont simultanées, peuvent se rejoindre dans cette interrogation commune sur le féminin et ses représentations, dont la folie fait partie : comment montrer, mettre en scène, les arcanes de la position féminine?" (62)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Mais la permanence, la multiplicité des représentations de cette figure du féminin, avec ses interrogations, ou ses débordements quand il s'agit de la folie, n'est peut-être pas qu'un simple produit de l'histoire ou du contexte social. Derrière les évolutions et les mutations qui semblent contraindre les corps à se plier à des contingences sociales ou artistiques, il subsiste des permanences qui échappent à la mode et à ses processus, comme elles échappent à ses supports ou à ses destinataires. En représentant le féminin, on s'aperçoit que la femme qui, en servant de modèle, vient à être représentée ou mise en scène, celle qui offre son corps, sa silhouette et ses émotions, n'est parfois là que pour mieux disparaître, s'évanouir, au profit de cette autre chose à définir qui dépasserait toutes les possibilités d'évolution du corps." (61-62)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Le statut même du langage est mis en question, car les personnages parlent beaucoup mais disent peu de choses, comme si les mots avaient peu de poids; les conversations sont parfois sans objet, comme si les personnages ne se reconnaissent pas dans la nature normative ou contraignante de l'expression verbale." (61)

MICHEL-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Gena Rowlands (...) excelle dans cette manière de jouer au cinéma les rôles de femmes toujours au bord de quelque chose, souvent au bord de la folie, un peu décalées et mal dans leur peau. Que ce soit Mabel (Une femme sous influence, 1975), qui déborde de tendresse et passe de l'excentrique à l'être "déraisonnable" proche de la folie; Myrtle (Opening Night, 1978), qui vit dans la confusion des âges, des vies et des lieux, entreprenant dans la solitude un chemin qui la conduit de la folie à la raison; ou Gloria (1980), cette femme au grand coeur, entêtée et courageuse, qui veut à tout prix sauver un enfant poursuivi par la mafia." (61)

TYLSKI, Alexandre, Roman Polanski, maître de l'aliénation

"Au final, la représentation de la folie dans l'oeuvre cinématographique de Polanski s'exprime autant dans les démences d'individus isolés que dans les égarements des systèmes sociétaux (dictatures, sectes, familles), communautés souvent vampirisées et diabolisées, qui habitent ou hantent chacun des films du cinéastes." (30)

TYLSKI, Alexandre, Roman Polanski, maître de l'aliénation

"Ce que dit la folie d'elle-même c'est, pour la pensée et la poésie du début du XIXe, ce que dit également le rêve dans le désordre de ses images : une vérité de l'homme, très archaïque et très proche, très silencieuse et très menaçante ; une vérité en dessous de toute vérité, la plus voisine de la naissance de la subjectivité, et la plus répandue au ras des choses ; une vérité qui est la profonde retraite de l'individualité de l'homme et la forme inchoative du cosmos." (28)
Michel Foucault, Histoire de la folie, Gallimard, Paris, 1961, p. 638.

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"À travers les reconfigurations visuelles et les dérèglement sonores, la mise en scène du délire féminin est éminemment "pathoplastique" (...) L'épreuve de la folie correspond à un éprouvé spatio-temporel, qui se ressent avant d'être reconnu, dénommé voire stigmatisé pour les vierges folles du cinéma fantastique, mais aussi pour celles du cinéma réaliste." (26)

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"La démence se saisit avant tout comme un devenir filmique : la mobilité des corps féminins ainsi transformés par leur folle traversée." (25)

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"Il apparaît que la maison familiale demeure le refuge préféré de la folie féminine, alors que l'institut psychiatrique s'impose de tout temps comme le lieu privilégié de la démence masculine (...)" (24)

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"Le débordement ne réside pas dans une sortie de l'image. Le hors-champ fait naître la peur, non l'angoisse. L'expérience horrifique de la folie n'a que peu à voir avec le jeu sur l'attente du cinéma d'épouvante. Le débordement doit avoir lieu à l'intérieur même de l'image. On sait que la force d'une image tient à sa capacité de rapprocher des réalités éloignées. Loin d'être une sortie du cadre, le débordement de certains films qui font l'expérience de la folie se réalise par une mise bord contre bord de réalités que tout semble séparer." (22)

--- exemple de débordement : la vision folle de l'ascenseur dans Shining.

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"L'expérience de la folie se traduit souvent par la force de quelque blasphème. Comme l'expérience de la folie est l'expérience de la réalité, de cette réalité qui transcende notre coutume du monde, de ses usages et de ses rengaines, c'est une expérience qu ine peut se formuler que dans un débordement de la langue." (21)

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"La folie est cet excès, et c'est la force des images de parvenir à rendre sensible ce débordement qui met en danger la chaîne des causes dans laquelle notre raison voudrait bien prendre et tenir le monde." (21)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"Troisième niveau de jeu : après l'ambiguité, la parodie, voici la simulation. Et les signes sont pourtant les mêmes. Ou appartiennent en tout à un registre similaire. Comme s'il y avait, du début à la fin, la volonté de dégager ces signes d'une quelconque vérité, de les détacher en définitive de toute signification. C'est tout le jeu de la folie qui est en cause, sa représentation même." (18)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"(Jack Nicholson) met en jeu la vérité de la folie elle-même. À la question "Comment jouer la folie?" se substitue très vite celle-ci "Où est la folie?" Dans quels signes repose-t-elle? Et quelle est la légitimité pour tout un chacun de cher chercher à les interpréter?" (18)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"Mais, au-delà de ces décalages provoqués, et vécus par l'acteur, il y a chez celui-ci, à l'évidence, une volonté de jouer sur l'absence de lisibilité, de prévisibilité de ses expressions faciales et gestuelles, qui ajoute à la cruauté de ses sourires ou à la menace de ses regards. La folie de ses personnages est d'autant plus efficace, en termes de spectacle, qu'elle est rarement douce, rarement contemplative : elle se donne pour potentiellement dangereuse; mieux, elle exsude précisément de l'allure irrationnelle et menaçante des personnages en question." (17)

---C'est donc toute la question des signes de la folie et de leur lisibilité.

ORTOLI, Philippe, Les vacillements du sujet

"L'art de "l'écriture du mouvement" est, plus que tout autre, celui où la reconstruction du réel sous l'emprise d'une conscience vacillante, altérée, voire endormie, peut s'objectiver. Ce qui est passionnant, dans la prise en compte de ce thème psychopathologique par certaines oeuvres, tient au fait qu'elles ne se contentent pas de l'illustrer, mais bien de chercher à l'exprimer sous une forme spécifique et que, par là, elles nous aident à penser le cinéma." (13)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"Au final, on trouve peut-être dans la démarche de Preminger les linéaments d'un certain cinéma américain moderne qui cherche par une déconstruction formelle tranchée et le brouillage de toute subjectivité limpide et autosuffisante, à faire du cinéma lui-même une expérience psychique heurtée et sans norme fixe (Hellman, De Palma, Lynch...)" (8)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"C'est la modalité de sa révélation qui détermine le sens de la folie, qui cesse ainsi d'être un simple matériau iconographique. Du coup, si le cheminement de la névrose dirige l'agencement narratif du film, les signes du dérèglement psychique du personnage ne peuvent que contaminer l'espace objectif, et généraliser la logique du cauchemar." (7)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"Cette conception performative du psychisme rapproche d'ailleurs la manifestation de la folie de la mise en scène de la violence, dont le danger et la force chaotique ne peuvent éclater que dans une rupture, dans la soudainet. d'une décharge et d'une crise, et en venant contredire l'enchaînement qui l'a préparée." (6)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"D'où ce problème spécifique : comment, dans une économie narrative qui se nourrit de l'effectation visuelle des gestes et des intentions, qui repose sur l'expression physique des actions et des caractères, imposer l'évidence sèche et brutale d'une situation mentale qui définit précisément l'impossibilité de toute représentation et de tout partage objectifs." (6)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"La folie, nous n'y sommes pas habitués. C'est du moins ce postulat d'exception, d'anomalie et d'opacité qui fonde, dans sa représentation au cinéma, la nécessité d'un moment crucial dont le paroxysme critique vient briser la série logique des faitts et abolir les coordonnées psychologiques les plus évidentes." (6)