mardi 22 décembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Mais ce façonnement culturel est tellement incorporé, habitus devenant sens pratique à l'oeuvre dans les moindres gestes et choix de la vie quotidienne, qu'il est ressenti comme naturel, une "seconde nature" puisqu'il est en fait la naturalisation de différences culturelles ou d'accès différents à la culture. En ce sens, le corps est langage et marquage social." (221-222)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Corps et société semblent indissociables, contrairement au sens commun ou à la pensée organiciste, qui poseraient le corps comme entité biologique, agencement de cellules réductible à la seule analyse mécanique. Au contraire, le corps est façonné par la société et pour la société, les deux niveaux interférant souvent." (221)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La "possédée" est paradoxalement celle qui remet en cause, par ses attitudes extraverties, la possession de son corps par les hommes, les prêtres, les juges et, par là même, les dépossède (Certeau, 1970, 2e édition 1990). L'anorexie ou l'hystérie, ces deux troubles décrétés maladies au XIXe siècle, en une illustration du pouvoir médical comme désamorce des problématiques sociales, sont également interprétées, dans ces perspectives, comme une résistance par le corps à une domination sur ce même corps (...)" (212)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps de la psychiatrie parle et révèle la vérité de l'individu, mais son interprétation par le langage savant de l'institution médicale l'annule comme réalité corporelle, et restitue en quelque sorte l'esprit comme moteur et directeur du corps : dans les troubles psychosomatiques, c'est le dysfonctionnement de la "tête" qu'on soigne." (180)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le médecin, et au-delà de l'individualité du praticien, l'institution médicale, devient en effet une instance de pouvoir chargée d'assigner, au-delà de prestations et d'indemnités, une identité au patient."

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"(...) on évacue, par le pouvoir des mots sur les maux, les causes pour ne soigner que les effets, niant ainsi les enjeux sociaux et politiques en oeuvre sur et dans les corps." (178)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La constitution de nouvelles catégories médicales est un instrument très puissant, car elle permet de placer sur le terrain du biologique ce qui relèverait de rapports de force sociaux et politiques." (177)

DETREZ, Christine, La construction sociale du cors

"Le principe même de l'existence d'une médecine comme entreprise de connaissance est expression de pouvoirs. Pouvoir des mots et pouvoir sur les choses sont indissociables (Foucault, 1966, 1975, 1976). La connaissance scientifique s'élabore par une entreprise frénétique de taxinomies et de classifications, de définitions des pathologies et des catégories psychiatriques (hystérisation de la femme, psychiatrisation des déviances sexuelles...). (177)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Différence entre la théorie de l'hexis corporelle et la physiognomonie : "Mais ce qui les rapproche est aussi ce qui les distingue. Si le corps est ainsi un système sémiotique à lire et à interpréter, dans un cas, il s'agit du corps appréhendé comme un langage de l'identité "naturelle" (le caractère), dans l'autre, de l'identité "naturalisée" (l'identité sociale, les caractéristiques sociales), dans un cas, c'est la nature qui inscrit les signes, dans l'autre c'est la culture." (166)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Plus généralement, si la théorie de l'hexis corporelle explique ainsi comment les usages sociaux peuvent s'incorporer au point de ne plus être conscients, elle ne place plus le corps sur le registre de l'avoir, mais sur le registre de l'être : le corps n'est plus dissocié de l'homme, il l'est, le représente tout entier à chaque mouvement, comme être social." (165)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"L'hexis corporelle est ainsi particulièrement signifiante, car, produit de l'incorporation de l'habitus, elle fonctionne en deçà de la conscience et du discours par la place occupée par l'espace physique." (164)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La notion d'hexis corporelle, équivalent grec de l'habitus latin, se réfère à la théorie plus générale de cet habitus. Elle désigne la manifestation corporelle, incorporée, de l'habitus : elle est ce qui transforme, effectivement, le corps selon les usages sociaux spécifiques à chaque groupe, donnant cette coïncidence qui fait s'étonner avec la même candeur naïve qu'une Mme de Lafayette quelques siècles plus tôt qu'on ait si souvent le physique de l'emploi." (163)

"L'hexis corporelle peut ainsi être décodée comme un langage, un système sémiotique, où chaque signe fait sens." (163)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Ainsi, à côté de la réflexion rationnelle existent une intelligence corporelle, un sens pratique, communication silencieuse, infralangagière, de corps à corps, que nous comprenons sans avoir les mots pour le dire, ni pour les enseigner : l'apprentissage, l'incorporation se fondent alors sur l'imitation et la répétition." (159)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Ainsi, la notion de schéma corporel peut permettre de cerner cette transformation profonde du corps. Elle apparaît au XIXe siècle dans les travaux du médecin Ernest Bonier, et désigne la structure sensorielle qui permet la perception des limites du corps. Les mouvements, les postures font ainsi évoluer le schéma corporel en founissant de nouvelles sensations, selon un dialectique perception-action." (158)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Les usages sociaux et culturels du corps ne sont si efficaces que parce qu'ils sont intériorisés et incorporés. La notion d'incorporation (...) rompt avec la vision d'un corps qui ne serait que matière ou machine, impulsée par un esprit supérieur, une raison seule maître à bord." (157)

lundi 21 décembre 2009

GOFFMAN, E. La mise en scène de la vie quotidienne

"Dans ces conditions, être "réellement" un certain type de personne, ce n'est pas se borner à posséder les attributs requis, c'est aussi adopter les normes de la conduite et de l'apparence que le groupe social y associe." (76)

- cité dans Detrez, p. 155

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La féminité ne renvoie par au corps réel de la femme, mais au corps idéal, véhiculé par les représentations culturelles d'une société en général, d'un groupe social en particulier. Principe de division, au même titre que les taxinomies biologiques, la notion de genre est également principe de vision, de perception selon un code commun." (150)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Être malade est également un statut social et engage à ce titre les institutions officielles et les politiques publiques (...) Quand la maladie devient un phénomène contre lequel on peut lutter, la panique s'estompe, mais apparaît le personnage du malade." (140)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"(...) la maladie peut être interprétée comme une métaphore du social. Certes, c'est bien l'individu qui est malade qui éprouve le mal dans son corps, mais il l'est également aux yeux de la société et selon les modalités qu'elle fixe." (137)

voir Sontag, Susan (1979), La maladie comme métaphore, Paris : Seuil.

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps agit ainsi dans la communication, à deux niveaux : d'une part, il est mémoire, incorporation, incarnation du code ; d'autre part, il est signe. D'une part, il est langue, de l'autre, il est parole. Dans tous les cas, son usage comme support de sens est culturel." (128)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le regard porté sur les sociétés extérieures peut être retourné sur nos propres mondes, et ce par une comparaison historique : si la norme dominante, légitimée par la médecine, pose la scission de l'individu et du monde, elle s'impose contre, et à côté, des représentations populaires, que celles-ci soient tombées en désuétude ou reléguées au rang de superstition par nos conceptions rationnelles. Le corps n'y est pas une entité séparée, mais se trouve inscrit dans des réseaux de correspondance et d'influences avec les éléments extérieurs." (123)

DETREZ, Christine, La construction sociale des corps

"Le processus historique d'intériorisation des contraintes est ainsi au fondement des théories contemporaines sur le corps et ses usages culturels. Paradoxalement, le corps ne s'individualise par parce que la pression du groupe s'accentue, et le place sous un regard et une surveillance constante. Telle est la force des représentations culturelles, dont participent les croyances et les savoirs sur le corps : elles dessinent un corps idéal, en expliquent le fonctionnement et modèlent alors selon ces schèmes les corps réels." (119)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps redressé est ainsi celui "qui marche droit", pourrait-on dire, tant les mots sont pris dans un tissu métaphorique (...) En redressant les corps, on vise également l'âme, dans ce souci polymorphe de "correction" : correction du langage, des attitudes, par le polissage des aspérités, des déviances et déviations, qui, d'un paysan, fera un élève ou un soldat "poli"." (116)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le donné biologique, dans le façonnement naturel duquel interviennent déjà l'influence de la société et la culture, est cultivé, interprété, redressé au travers de normes plus ou moins conscientes : les attitudes et les comportements les plus privés d'hygiène, de santé, de sexualité, se trouvent ainsi conditionnés, déterminés, englobés dans des dimensions symboliques, productions historiques et sociales." (110)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La "nature humaine" et son incorporation dans un organisme sont déjà des construits culturels. Avant même d'envisager les usages proprement sociaux et culturels du corps, qui prennent le corps comme matériau, la socialisation, dans une société, dans un groupe social, informe, donne forme, déforme les techniques naturelles du corps, permet d'en actualiser les potentialités biologiques. La fontière est ainsi ténue entre hérédité et héritage." (104)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"De la même façon, la frontière entre santé et maladie, sain et malsain, fluctue et ne se résume nullement au bon fonctionnement de l'organisme. La définition de la santé évolue : liée à la pourriture et aux manifestations physiques et externes dans un Moyen Âge dominé par les fléaux de la lèpre et de la peste, la maladie s'intériorise, se minimalise, se psychologise au fil des siècles, des progrès de la connaissance médicale et de l'évolution des représentations des corps : les "vapeurs", les maladies nerveuses sont ainsi chacune un exemple de la représentation dominante du corps, respectivement le corps-alambic du XVIIe et le corps fibreux du XVIIIe." (101)

mercredi 16 décembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La maladie est certes une affection du corps, de l'organisme, mais également une mise en jeu sociale du corps du patient doté de l'identité sociale de malade. Cette juxtaposition de niveaux d'interprétation de la maladie s'exprime d'ailleurs dans certaines langues. Ainsi, les termes anglo-saxons distinguent "disease" (la pathologie dans sa dimension biologique), "illness" (Le trouble, ressenti par l'individu) et "sickness" (la maladie comme rôle social)."(100)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"À la dimension culturelle des sensations doit être ajoutée la dimension historique : à l'échelle de l'individu, mais aussi des sociétés, la sensation est une construction historique, produit de représentations collectives. L'art livre ainsi des témoignages précieux sur la perception sensorielle propre à chaque époque (...) (98)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Les mises en jeu du corps que sont le travail et le sport complètent ainsi les effets de socialisation dans le modelage de la morphologie. Mais le corps n'est pas qu'architecture osseuse, agencement d'une certaine longueur ou d'un certain poids de chair. L'existence de l'individu au monde se caractérise par des échanges, des réponses physico-chimiques aux stimuli que sont les sensations. Si le fonctionnement de celles-ci peut être exposé sous forme d'équations, sa caractéristique biologique n'est pas contradictoire avec un raisonnement qui en montrerait les fondements sociaux et culturels." (91)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Au sujet d'anthropologues qui, comme SAPIR, BATESON et MEAD vont rompre avec l'évidence biologique : "Le corps trouve ainsi sa place dans une théorie générale de la culture et s'inscrit dans l'étude des mécanismes de la socialisation par lesquels le groupe façonne des individus à son image (...) Ils (les anthropologues) montrent ainsi que ce que nous appelons culture s'incorpore." (78)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Pour Marcel Mauss, il s'agit ici de techniques du corps, entendues comme "les façons dont les hommes, société par société, d'une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps". Transmis a la fois par l'éducation, dès la petite enfance, et par l'imitation, les gestes les plus simples sont acquis, de sorte "qu'en somme, il n'existe peut-être par de façon naturelle chez l'adulte". Les gestes apparemment les plus innés sont ainsi des techniques, entendues comme "acte traditionnel efficace"." (77)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Corps comme interface avec l'environement : " (...) il s'agirait au contraire de restituer à l'existence corporelle la dimension culturelle de ce qui semble le plus naturel. Ainsi, le corps, condition matérielle de la venue au monde, est aussi celle de l'être au monde. Par le fait même d'exister dans telle ou telle société, par l'action répétée de son travail, le corps se définit comme organisme spécifique, historiquement et géographiquement situé." (75)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Les corps sont ainsi façonnés, modelés matériellement, sous les effets de multiples facteurs imposés à l'individu : agissant à court ou long terme, produits par l'évolution historique ou les conditions économiques et structurelles, ces effets sont inconscients, involontaires, mais engendrent des formes corporelles déterminées." (72)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La définition du corps comme organisme semblait assigner d'emblée son étude à la biologie. Or, même à considérer le corps dans ses propriétés les plus matérielles - morphologie, mortalité et morbidité -, s'établissent des corrélations qui montrent que le corps, dès sa naissance, voire lors de sa gestation, n'est pas un donné naturel." (72)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps est doté de potentialités physiques effectivement traduisibles en termes de chimie ou de mécanique (...) Mais ces potentialités ne sont actualisées que par un processus de socialisation, qui les transforme en "techniques du corps" (...) Cette socialisation procède de façon infralangagière, modèle les corps par leur mise en jeu répétée et par l'imitation." (61-62)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"(...) Jean-Michel Berthelot pointe ainsi l'importance décisive des donnés structurelles sur le façonnement des corps modelés par un système de contraintes, niveau fondamental "où le corps, à travers sa mise en jeu répétée, comme outil, support de toute pratique, est simultanément produit comme forme corporelle déterminée" (Berthelot, 1983, 128)." (61)

mardi 15 décembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Pour (Marcel Mauss), en effet, le propre de la sociologie est de traiter, contrairement à la psychologie ou à la biologie, des hommes "totaux", c'est-à-dire des hommes concrets qui sont à la fois corps, conscience individuelle et collectivité." (55)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

(Pour parvenir à penser le corps, la sociologie s'affranchiera de la biologie stricte) : "C'est ainsi à une véritable rupture épistémologique qu'elle va se trouver confrontée : ne plus envisager le corps, soit comme un donné naturel, qui constituerait en quelque sorte le repoussoir de toute entreprise réflexive, soit comme un outil heuristique et conceptuel de compréhension du social, mais comme un objet sociologique, un "fait social total" pour reprendre les termes de Marcel Mauss." (55)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La sociologie naissante, pour constituer son champ propre, est ainsi amenée à se désincarner, traitant davantage de l'action sociale que des individus, laissant en quelque sorte le corps pour en sauver l'étude des mises en jeu : les acteurs sociaux sont considérés par leur place dans la société, mais coupés de toute réalité." (53)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Toute la tradition occidentale, philosophique et scientifique, pose ainsi le corps comme un objet, une chose de chair et de sang, un alter ego (Le Breton, 1990). Que l'autre terme de l'opposition soit la vérité, l'âme ou la raison, le savoir sur le corps relève de la biologie et de l'anatomie." (53)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Sur l'objectivation progressive du corps en Science : " Les planches anatomiques de Vésale, reprises par les encyclopédistes ou, au XVIIe siècle également, de Gautier Dagoty, squelettes dansant ou nonchalamment appuyés sur une colonne, femmes fardées et coiffées, à la pose charmante et aux ventres ouverts, mettent en scène l'organe, de la même façon que les dissections sont alors spectacles. Le corps, même écorché, garde des postures humaines, se meut dans un décor de collines, quasi indifférent à la blessure béante qui dévoile un foetus ou un coeur... La planche anatomique, peu à peu, abandonne décors et expressions de sentiments ou d'individualité. Le corps devient chair, exposée, se sépare même de toute référence à la réalité visible et sensible." (49)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Par ailleurs, si des types existent, et que l'on peut les inventorier, partant de la réalité corporelle pour en déduire le sens, il devient possible de jouer sur ces codes. Si chaque émotion se traduit par une manifestation physique donnée, si un caractère induit tel ou tel trait du visage, il suffit de les reproduire pour exprimer artificiellement cette émotion par exemple." (41)

- de la physiognomonie au jeu conscient du comédien

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

" (...) Physiognomonica, qui suppose l'interdépendance entre l'âme et le corps qu'elle a façonné. De physis ("nature") et gnomon ("qui connaît"), la physiognomonie est ainsi l'art de juger quelqu'un d'après son aspect physique : les traits physiques permettent ainsi de connaître au premier coup d'oeil , pour qui cultive "l'art de connaître les hommes", les traits de caractère, les inclinations, les penchants naturels." (38)

Grands principes : ethnologie, anatomie, zoologie.

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La conception mécaniste de l'organisme imprègne tout le XIXe siècle, même si le principe moteur n'y est plus la fibre, mais l'énergie et la combustion, révolution industrielle oblige. Le corps est une machine à vapeur et fonctionne sur le même modèle : la digestion, la respiration lui fournissent des carburants, qu'elle consume pour produire de l'énergie." (37)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Sur le corps-machine de Descartes au XVIIe siècle : "Face à l'esprit pensant, établi comme sujet (le fameux "cogito, ergo sum"), le corps est objet : il relève de la mécanique (...)" (33)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Ainsi, il n'existerait à réellement parler de sociologie du corps, mais plutôt une sociologie des usages sociaux du corps, toute pratique sociale étant à la fois mise en jeu du corps, mais par là même production du corps, dirigée par et pour une société donnée. La sociologie de ces usages sociaux du corps emprunterait alors deux axes, dont l'un serait l'exploration des ritualisation et perpétuations, des représentations, des valeurs, des normes et de la conformation du corps réel à un corps idéal (...) La deuxième voie d'investigation serait alors l'étude de "ce niveau le plus fondamental, celui où le corps, à travers sa mise en jeu répétée, comme outil (...) est simultanément produit comme forme corporelle déterminée" (Berthelot, 1983). " (23)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps serait ainsi impossible à saisir dans sa multidimensionnalité et se présenterai comme "éclaté, segmenté, monstrueusement développé ou atrophié selon la manière dont le rencontre telle ou telle discipline" (Berthelot, 1983, p. 125)." (22)

vendredi 20 novembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"En même temps qu'il devient objet de sociologie, et que cède l'exclusivité de la biologie sur son étude, le corps déploie en effet la multiplication infinie de ses mises en application. Si le corps est perçu comme objet social, objet de société, objet de sociologie, le champ des investigations est vaste : support obligé de toutes les activités de l'individu, le corps est mis en jeu dans les interactions avec autrui, le travail, le sport, la santé, mais aussi dans les pratiques les plus intimes, comme par exemple l'hygiène, l'alimentation ou la sexualité." (21)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps est ainsi pris dans une dialectique qui part d'un donné naturel pour en faire un objet culturel et, comble de la culture, en incorporer à tel point les aspects les plus sociaux et culturels que ceux-ci passent, à nouveau, pour du naturel, voire pour une "seconde nature"". (20)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Or, par les mécanismes d'incorporation, de naturalisation (Bourdieu), mais aussi d'incarnation et d'intertexuation (Certeau), les normes, qui font le corps, font également corps, deviennent naturelles." (19)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"À la suite de l'ethnologie, la sociologie, rompant d'une certaine façon sur ce point avec l'héritage durkheimien, va ainsi tenter d'envisager les mises en jeu du corps. Sur un corps perçu et pensé par les agents comme une donnée biologique, dont l'aspect naturel peut déjà être interrogé et contesté, s'appliquent des mises en pratique, autant d'usages sociaux orientés par des normes et des représentations." (19)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Parler de constuction sociale du corps rompt ainsi avec l'expérience ontologique à la fois individuelle et commune qui contribue à poser le corps comme expression naturelle de la personne. Le corps livrerait l'individu dans sa nudité, dans cet état de "nature", qui est tantôt décrié au nom de la suprématie de l'âme, de la raison, de la culture, qui distingueraient chacune à leur tour l'homme de l'animal, ou tantôt encensé, recherché au travers des mythes rousseauistes du bon sauvage ou des exhortations plus contemporaines à retrouver ses sensations et à écouter son corps. Dans un cas comme dans l'autre, le corps et la frontière que constitue la peau seraient ainsi la démarcation concrète entre l'inné l'acquis, la nature et la culture, l'individu et la société. Contre cette évidence, l'hypothèse du corps comme construction sociale implique de penser ainsi le corps comme l'objet, l'enjeu et le produit de la socialisation, qui ferait ainsi du corps à la fois le lieu de la représentation et de la reproduction non seulement des individus, mais aussi des identités sexuées et sociales." (17-18)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"(...) la pensée du corps sépare la médecine moderne de la médecine antique, la sociologie de la psychologie et de la biologie. C'est dire que la description du corps n'est pas qu'une astuce littéraire : derrière l'énonciation et l'imposition d'une manière de voir se manifestent des enjeux de savoir et de pouvoir." (16)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Issue de l'Antiquité, la physiognomonie, cet art de lire les corps, de déceler, sous les traits du visage, la forme d'un nez, les lignes d'un front ou l'inclinaison d'un sourcil, les traits moraux, a traversé les siècles, illustrée notamment par Charles Le Brun ou Johann Kaspar Lavater et a imprégné de façon diffuse non seulement toute la littérature mais également la pensée commune et la science." (16)

dimanche 30 août 2009

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Ce rapport particulier du féminin et au pas-tout produit une insécurité d'être, un sentiment permanent de non tranquilité, obligeant sans cesse à un travail psychique de réaménagement (...) qui produit parfois des effets de vacillement, voire de désêtre ou de dépersonnalisation. Cela est très bien montré par Cassavetes, et par Gena Rowlands dans son interprétation de Mabel ou de Myrtle. L'introduction de la notion de pas-tout par Lacan, au début des années 70, permet de rendre compte de ce que Freud n'a pas vu dans son élaboration assez tardive de la sexualité féminine, à savoir ce qui échappe à l'ordre phallique dans la féminité." (63)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"C'est là où la psychanalyse et le cinéma, dont les naissances sont simultanées, peuvent se rejoindre dans cette interrogation commune sur le féminin et ses représentations, dont la folie fait partie : comment montrer, mettre en scène, les arcanes de la position féminine?" (62)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Mais la permanence, la multiplicité des représentations de cette figure du féminin, avec ses interrogations, ou ses débordements quand il s'agit de la folie, n'est peut-être pas qu'un simple produit de l'histoire ou du contexte social. Derrière les évolutions et les mutations qui semblent contraindre les corps à se plier à des contingences sociales ou artistiques, il subsiste des permanences qui échappent à la mode et à ses processus, comme elles échappent à ses supports ou à ses destinataires. En représentant le féminin, on s'aperçoit que la femme qui, en servant de modèle, vient à être représentée ou mise en scène, celle qui offre son corps, sa silhouette et ses émotions, n'est parfois là que pour mieux disparaître, s'évanouir, au profit de cette autre chose à définir qui dépasserait toutes les possibilités d'évolution du corps." (61-62)

MICHELI-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Le statut même du langage est mis en question, car les personnages parlent beaucoup mais disent peu de choses, comme si les mots avaient peu de poids; les conversations sont parfois sans objet, comme si les personnages ne se reconnaissent pas dans la nature normative ou contraignante de l'expression verbale." (61)

MICHEL-RECHTMAN, Vannina, La "folie" au féminin

"Gena Rowlands (...) excelle dans cette manière de jouer au cinéma les rôles de femmes toujours au bord de quelque chose, souvent au bord de la folie, un peu décalées et mal dans leur peau. Que ce soit Mabel (Une femme sous influence, 1975), qui déborde de tendresse et passe de l'excentrique à l'être "déraisonnable" proche de la folie; Myrtle (Opening Night, 1978), qui vit dans la confusion des âges, des vies et des lieux, entreprenant dans la solitude un chemin qui la conduit de la folie à la raison; ou Gloria (1980), cette femme au grand coeur, entêtée et courageuse, qui veut à tout prix sauver un enfant poursuivi par la mafia." (61)

TYLSKI, Alexandre, Roman Polanski, maître de l'aliénation

"Au final, la représentation de la folie dans l'oeuvre cinématographique de Polanski s'exprime autant dans les démences d'individus isolés que dans les égarements des systèmes sociétaux (dictatures, sectes, familles), communautés souvent vampirisées et diabolisées, qui habitent ou hantent chacun des films du cinéastes." (30)

TYLSKI, Alexandre, Roman Polanski, maître de l'aliénation

"Ce que dit la folie d'elle-même c'est, pour la pensée et la poésie du début du XIXe, ce que dit également le rêve dans le désordre de ses images : une vérité de l'homme, très archaïque et très proche, très silencieuse et très menaçante ; une vérité en dessous de toute vérité, la plus voisine de la naissance de la subjectivité, et la plus répandue au ras des choses ; une vérité qui est la profonde retraite de l'individualité de l'homme et la forme inchoative du cosmos." (28)
Michel Foucault, Histoire de la folie, Gallimard, Paris, 1961, p. 638.

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"À travers les reconfigurations visuelles et les dérèglement sonores, la mise en scène du délire féminin est éminemment "pathoplastique" (...) L'épreuve de la folie correspond à un éprouvé spatio-temporel, qui se ressent avant d'être reconnu, dénommé voire stigmatisé pour les vierges folles du cinéma fantastique, mais aussi pour celles du cinéma réaliste." (26)

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"La démence se saisit avant tout comme un devenir filmique : la mobilité des corps féminins ainsi transformés par leur folle traversée." (25)

ARNAUD, Diane, Les vierges folles des années 60

"Il apparaît que la maison familiale demeure le refuge préféré de la folie féminine, alors que l'institut psychiatrique s'impose de tout temps comme le lieu privilégié de la démence masculine (...)" (24)

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"Le débordement ne réside pas dans une sortie de l'image. Le hors-champ fait naître la peur, non l'angoisse. L'expérience horrifique de la folie n'a que peu à voir avec le jeu sur l'attente du cinéma d'épouvante. Le débordement doit avoir lieu à l'intérieur même de l'image. On sait que la force d'une image tient à sa capacité de rapprocher des réalités éloignées. Loin d'être une sortie du cadre, le débordement de certains films qui font l'expérience de la folie se réalise par une mise bord contre bord de réalités que tout semble séparer." (22)

--- exemple de débordement : la vision folle de l'ascenseur dans Shining.

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"L'expérience de la folie se traduit souvent par la force de quelque blasphème. Comme l'expérience de la folie est l'expérience de la réalité, de cette réalité qui transcende notre coutume du monde, de ses usages et de ses rengaines, c'est une expérience qu ine peut se formuler que dans un débordement de la langue." (21)

FRAISSE, Philippe, Ce dont on ne peut parler

"La folie est cet excès, et c'est la force des images de parvenir à rendre sensible ce débordement qui met en danger la chaîne des causes dans laquelle notre raison voudrait bien prendre et tenir le monde." (21)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"Troisième niveau de jeu : après l'ambiguité, la parodie, voici la simulation. Et les signes sont pourtant les mêmes. Ou appartiennent en tout à un registre similaire. Comme s'il y avait, du début à la fin, la volonté de dégager ces signes d'une quelconque vérité, de les détacher en définitive de toute signification. C'est tout le jeu de la folie qui est en cause, sa représentation même." (18)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"(Jack Nicholson) met en jeu la vérité de la folie elle-même. À la question "Comment jouer la folie?" se substitue très vite celle-ci "Où est la folie?" Dans quels signes repose-t-elle? Et quelle est la légitimité pour tout un chacun de cher chercher à les interpréter?" (18)

AMIEL, Vincent, Nicholson : les abîmes de l'interprétation

"Mais, au-delà de ces décalages provoqués, et vécus par l'acteur, il y a chez celui-ci, à l'évidence, une volonté de jouer sur l'absence de lisibilité, de prévisibilité de ses expressions faciales et gestuelles, qui ajoute à la cruauté de ses sourires ou à la menace de ses regards. La folie de ses personnages est d'autant plus efficace, en termes de spectacle, qu'elle est rarement douce, rarement contemplative : elle se donne pour potentiellement dangereuse; mieux, elle exsude précisément de l'allure irrationnelle et menaçante des personnages en question." (17)

---C'est donc toute la question des signes de la folie et de leur lisibilité.

ORTOLI, Philippe, Les vacillements du sujet

"L'art de "l'écriture du mouvement" est, plus que tout autre, celui où la reconstruction du réel sous l'emprise d'une conscience vacillante, altérée, voire endormie, peut s'objectiver. Ce qui est passionnant, dans la prise en compte de ce thème psychopathologique par certaines oeuvres, tient au fait qu'elles ne se contentent pas de l'illustrer, mais bien de chercher à l'exprimer sous une forme spécifique et que, par là, elles nous aident à penser le cinéma." (13)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"Au final, on trouve peut-être dans la démarche de Preminger les linéaments d'un certain cinéma américain moderne qui cherche par une déconstruction formelle tranchée et le brouillage de toute subjectivité limpide et autosuffisante, à faire du cinéma lui-même une expérience psychique heurtée et sans norme fixe (Hellman, De Palma, Lynch...)" (8)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"C'est la modalité de sa révélation qui détermine le sens de la folie, qui cesse ainsi d'être un simple matériau iconographique. Du coup, si le cheminement de la névrose dirige l'agencement narratif du film, les signes du dérèglement psychique du personnage ne peuvent que contaminer l'espace objectif, et généraliser la logique du cauchemar." (7)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"Cette conception performative du psychisme rapproche d'ailleurs la manifestation de la folie de la mise en scène de la violence, dont le danger et la force chaotique ne peuvent éclater que dans une rupture, dans la soudainet. d'une décharge et d'une crise, et en venant contredire l'enchaînement qui l'a préparée." (6)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"D'où ce problème spécifique : comment, dans une économie narrative qui se nourrit de l'effectation visuelle des gestes et des intentions, qui repose sur l'expression physique des actions et des caractères, imposer l'évidence sèche et brutale d'une situation mentale qui définit précisément l'impossibilité de toute représentation et de tout partage objectifs." (6)

KAUSCH, Franck, Un instant d'égarement

"La folie, nous n'y sommes pas habitués. C'est du moins ce postulat d'exception, d'anomalie et d'opacité qui fonde, dans sa représentation au cinéma, la nécessité d'un moment crucial dont le paroxysme critique vient briser la série logique des faitts et abolir les coordonnées psychologiques les plus évidentes." (6)

dimanche 12 juillet 2009

Grandrieux, Philippe, Vivement le désordre

"À l'origine, l'analyse du mouvement. Chronophotographie. Cheval, oiseaux, hommes, femmes. Ça court, ça saute, ça vole et ça recommence. Et tout de suite l'usage pornographique, car le cinéma c'est l'industrie des corps. Nos arrières-grands-mères sucent et se font mettre dans les cuisines. Odeur de soupe et de foutre, c'est l'odeur du siècle des locomotives et de l'inconscient. Les hommes sont musclés et moustachus, ils posent pour nos grands peintres, bandent secs face à l'objectif. Assemblage des corps, mise en scène, litanie des séquences, de toute évidence, le scénario du cinéma est d'emblée sadien. Pendant ce temps, Degas brosse les corps, femmes au bain, dos courbés, fesses charnues dans l'ombre noire de l'encre grasse, corps venus sous la main, corps avachis des putains, cuisses ouvertes, ventre bedonnants, corps épuisés des maisons closes, des chambres obscures."

lundi 29 juin 2009

CAMINERO-SANTANGELO, Marta, The Madwoman Can't Speak

« Resisting the ever-widening reach of psychiatry a host of new "radical" theories of madness emerged in the 1960s. The antipsychiatry movement was characterized by the work of R.D Laing, who argued that madness was not the result of an inherited weakness (as the evolutionists had claimed) or of faulty or incomplete development (as Freud had suggested), but rather a "special strategy that a person invents in order to live in an unlivable situation". (Politics of Experience, 115) » (8)

CAMINERO-SANTANGELO, Marta, The Madwoman Can't Speak

«In order to use madness as a metaphor for the liberatory potentials of language, feminist critics must utterly unmoor it from its associations with mental illness as understood and constructed by discourses ans practices both medical and popular. But if the connotation carried by the notion of madness must be completely suppressed in order for such a metaphor to work - if the word must be emptied of its meanings and provided with a entirely set of significations (in fact, an impossibility) - then why use it at all? » (2)

CAMINERO-SANTANGELO, Marta, The Madwoman Can't Speak

«Women are resigning themselves to silence, and to nonspeech. The speech of the other will then swallow them up, will speak for them, and instead of them.» (Makward 100, cité p. 2)

jeudi 18 juin 2009

BERGSTROM, Janet, Endless Night

«(The contemporary, theoretically aware version of interpretation) is not so much interpretation of meaning of films but rather the establishment of a "theoryfilmanalysis" in which psychoanalytic concepts (narcissism, paranoia, repression, whatever) are conjoined with a film in the interests of the interpretative elaboration of issues around (mainly) sexual difference. Psychoanalysis here become, as it were, a discourse-generator, making up with film a new genre, a new imaginary (within which, for instance, to construct "the female spectator")» (35)

BERGSTROM, Janet, Endless Night

«The analyst's compulsion, moreover, is the corollary to the particular cinema's own compulsion to visibility, a cinema itselfef haunted by the possibility of something more than its vision, its controlled continuity of screened reality ; analyst and film come across and miss one another on the common ground of their failure not to be seen by this "more" - the slippages, splinters, skewings, everything that bears the trace of what is not symbolized , not in view.» (34)

BERGSTROM, Janet, Endless Night

« Freud's psychoanalysis, that is, interrupts the vision of images, challenges the sufficiency of the representations they make, where cinema aims to sustain vision, to entertain -to blind in- the spectators with images. Franz Kafka at this same time talked of cinema putting a uniform on the eye, of its images taking over : "the speed of the movements and the precipitation of successive images... condemn you to a superficial vision of a continuous kind." » (31)

- Lien avec la citation de Kafka sur le cinématographe : "I can't stand it, perhaps because I am too visual." (voir source originale, p. 54)

mardi 9 juin 2009

BERGSTROM, Janet, Endless Night

«L’image ne reçoit pas l’inconscient. L’inconscient ne se donne pas à voir.» (citation attribuée à Freud et rapportée dans l’introduction du Scénario Freud cité p. 30)

- Résistance de la psychanalyse à l’image
- Freud ne croit pas à la figuration, ni au cinéma, ni en photographie.

BERGSTROM, Janet, Endless Night

«Such distance and disinterest notwithstanding, to think about cinema and psychoanalysis today is a substantial undertaking, the histories of the two extending across a century of multiple and complex interactions, one-sided or not. "Cinema and psychoanalysis", moreover, can be a way of enclosing and delimiting a topic that should, on the contrary, be opened up to areas of concern that are not typically taken – by film studies at least – central. There is need, for example, to consider not just how psychoanalysis and psychoanalysts are represented in cinema but also how the recourse to film functions in the analytic session, how the analysand’s speech and associations and memories may draw and depend on cinema’s given sounds and images, its provision of a residue of signifying traces taken up as unconscious material (we watch and grasp films consciously but what counts for us individually in the long run of the psyche may come with quite another urgency, be very different to whatever a film might urge in its images and their ordering, is something only analytically calculable). (26)

samedi 6 juin 2009

BERGSTROM, Janet, Endless Night

«The cinema has almost always failed to make psychic interiority meaningful on the screen.
First touch me, astonish me, tear me apart, startle me, make me cry...
You will please my eye afterward if you can. Diderot

Excess is a familiar term in contemporary film theory, a term most frequently invoked, I think, in discussion of melodrama.» (13)

lundi 1 juin 2009

GILMAN L. Sander, Seeing the Insane

"(The relation mind-body) is the key to the understanding of all early theories of the appearance of mentally ill. By the Renaissance the theories have given way a radical monistic view of the body dominating and forming the mind and soul (...) The appearance of the individual is seen as a classificable, interpretable reference to his mental state." (6)

GILMAN L. Sander, Seeing the Insane

"The relationship between the realities that are being described and the mode of description extends into any historical definition of insanity. The madman is individual seen as "other" by a culture. Thus the image of reality shifts, depending on the time and orientation. Madness includes at one time or another all of the traditional tripartite classifications of anentia, dementia and melancolia. No distinction can be made between somatic and emotional illness if both are understood as subcategories of insanity." (Introduction, iii)

GILMAN L. Sander, Seeing the Insane

"We learn to perceive the world through those cultural artifacts which preserve a society's stereotypes of its environment. We do not see the world, rather we are taught by representations of the world about us to conceive of it in a culturally acceptable manner. It is not merely flora and fauna, sunset and seascape which are seen through the prism of culture. We also see man in his infinite variety through the filters of stereotypical perspective. Throughout the history of any given culture the structure most often applied to categories of man is that of the polar opposite. Each category is perceived as either the embodiment or the antithesis of the group which has provided the category." (Introduction, i)

vendredi 29 mai 2009

MORIN, Edgar, Le vif du sujet

"Mais il faut reconsidérer l'hystérie comme phénomène anthropologique global :
1) Pour comprendre l'hystérie, il faut associer les termes antinomiques de simulation et de sincérité, de jeu et de sérieux, d'imaginaire et de vécu. L'hystérie suppose donc un dualité fondamentale, une duplicité structurale au siège même du moi-un.
2) La dualité-duplicité hystérique, d'une part, masque une carence radicale dans la relation avec soi-même, autrui, le monde, d'autre part, exprime et incarne une ardeur affective capable de muer la simulation en son contraire.
3) Magie et hystérie se confondent là où le sentiment de réalité et parfois même la réalité physiologique (brûlures, plaies, stigmates, grossesses nerveuses, etc.) naissent de l'imaginaire ou de la suggestion." (144)

MORIN, Edgar, Le vif du sujet

"Parmi toutes ces relations, la relation psycho-affective est celle qui permet de leur concevoir un système, une logique. La logique psycho-affective est la branche sauvage de la pensée (...)

Le système psycho-affectif donne substance et existence à tout ce que les magies et les religions ont considéré comme réel (fantômes, esprits, dieux, miracles, révélations, possessions, etc.), mais aussi à la notion moderne de réalité. Il sécrète, en somme, le caractère ontologique de l'existence, le caractère existenciel de l'être, le caractère substanciel de la réalité." (142-143)

"Il lui manquait, pour ainsi dire, la plaque tournante entre le système psycho-affectif, la magie, le sentiment, le moi, la personne. Cette plaque tournante, je le vois maintenant de façon aveuglante, c'est l'hystérie." (144)

--- cinéma psycho-affectif, hystérie comme concept globalisant

GAVRON, Laurence et Denis LENOIR, John Cassavetes

Sur MABEL LONGHETTI: "Un jour, nécessairement, un décalage apparaît entre ses émotions, ses pensées, et la réalité autour d'elle (le cinéma de Cassavetes pourrait d'ailleurs se définir comme un cinéma du décalage) (...) Elle sombre dans la "folie" par ennui peut-être, par frustration sûrement. Car le fond du problème, c'est la démesure de son implication, de son amour pour les siens, et l'incapacité des autres à l'assumer : les autres qui ne savent que faire, que dire face à cet amour si fort, à cette exubérance, à ce débordement d'émotion." (76)

SUR MYRTLE GORDON: "Myrtle Gordon, elle, penche vers cette même folie par un autre biais, et pour d'autres raisons. Sa vie, contrairement à celle de Mabel, est vide du point de vue affectif, mais remplie par sa carrière de comédienne (...) C'est là qu'elle a recourt à un univers irréel, un univers de "folie", pourrait-on dire. Elle se tourne vers l'imaginaire, vers les fantasmes, rejoignant la jeune Nancy dans ses rêves." (76)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

"Le paradoxe, c'est d'être à la fois dans la moyenne et dans l'excès. Cassavetes ne travaille pas en sociologue, en observateur purement extérieur, ou même en militant d'une cause quelconque. Il n'est pas un cinéaste critique, délateur à bon marché qui désigne les coupables sans s'impliquer ou se mettre en question. Sa puissance personnelle vient de ce qu'il est à la fois dehors et dedans. Dehors comme témoin patient, rigoureux et impitoyable des débordements, des excentricités, des petites lâchetés, des mesquineries, du désarroi, de la dérive de ces petits-bourgeois piégés par un regard invisible, une caméra habile aux changements d'axes et de points de vue qui voit le quotidien sous tous les angles et toutes les coutures. Dedans parce que les corps à l'écran sont ceux du cinéaste, de sa femme, de ses amis, de sa famille, et que l'identité entre le personnage et l'acteur est totale. Parce que la caméra est au coeur de la mêlée, destituée de sa position externe, hors de tout point de vue critique trop sécurisant, basculant de l'autre côté de la scène, accompagnant jusqu'au déchaînement la crise qui se déploie devant nous." (116)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

" C'est comme une sorte de dérèglement interne des comportements, de folie ordinaire couvée en son sein même par la midle-class (...) Une femme sous influence, c'est la famille schizophrénique et paranoïaque, moins la folie de Mabel que celle de la famille toute entière, mari, belle-mêre compris, comportement déviant au coeur de la normalité la plus stricte." (116)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« La langue de l'hystérie est celle du corps. » (81)

ex : Dans A Woman Under the Influence, Mabel se manifeste, debout sur la table, lorsque la communication lui est insupportable. Corps défiant, excessif, réactionnaire. Corps en crise. Corps fragile ET excessif. Corps en panique, boulimique, colérique, frénétique... corps fatigué qui s'écroule, qui s'effondre, corps fondamentalement dysfonctionnel.

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« (...) simulation n'est pas synonyme de faux. Que la scène soit surjouée ne signifie par que le trouble n'est pas réel, bien au contraire. C'est que l'hystérique elle-même ne sait pas clairement jusqu'à quel point elle simule.» (88)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« L'hystérique est toujours en même temps acteur (ou actrice). S'il en fait trop, c'est qu'il veut se faire remarquer par l'autre. » (86)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« Le corps hystérique de Mabel Longhetti ou de Myrtle Gordon parle, mais quelle langue parle-t-il? Est-on certain qu'il dit la vérité? N'est-il pas entraîné dans un bluff, une simulation, une sorte de théâtralisation qui le dépasse? Le corps hystérique en fait trop. Il ornemente, surcharge les attitudes. C'est presque un corps maniériste. » (85)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« Son trop plein d'amour [Zelmo Swift] submerge l'autre et se transforme en cauchemar. Sa présence trop forte est insupportable à Minnie. Elle contamine tout le film et en devient une véritable métonymie : difficulté ou impossibilité de se mettre au diapason de l'autre, désir toujours en excès qui s'échappe dès qu'on croit le retenir. » (81)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« Chez Cassavetes, l'hystérie est plus qu'une maladie ; elle est un mode de relation, une structure fondamentale du dialogue (...) » (88)

« Langage de l'amour, l'hystérie est surtout un mode de figuration cinématographique qui génère toute une organisation de l'espace et une mise en scène complexe du corps de l'acteur. Le corps, c'est bien là que gît, en dernière instance, le mystère fantasque et capricieux de l'hystérique. » (88)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« L'hystérisation chez Cassavetes suppose une circulation permanente entre l'intérieur et l'extérieur (…) Elle requiert une mobilisation complète de l'individu et exige un rapport très étroit entre le visible et l'invisible. C'est le nerf qui fait la différence, le nerf comme production d'énergie et comme mystère du corps. » (80)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« Pourtant, ce corps est la proie de forces qui le tordent, l'électrisent, l'hystérisent (…) Il semble échapper au contrôle du sujet, régi par des lois qu'il ignore. Le corps de Myrtle Gordon, happé par son propre vertige ou le corps de Sarah Lawson, nerveux trop nerveux, appartiennent aussi à cette même famille, celle de l'hystérie. » (79)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« Il y a chez Cassavetes (…) une littéralité absolue du corps comme mode de figuration et surtout comme présence existentielle. Corps ontologique qui échappe à toute détermination formelle, sculpture vivante, charnelle, brûlante. Ni glorieux, ni sportif, ni religieux, ce corps est à la limite de toute visibilité, de toute représentation mais, en même temps, tout se joue à l'intérieur, à l'abri des regards, par la force d'une alchimie que nous ne sommes pas encore capable de comprendre. » (79)

JOUSSE, Thierry, John Cassavetes

« (…) les films de John Cassavetes représentent sans arrêt le couple dans une scène de ménage permanente. Dans cette logique infernale de la scène de ménage, c'est Une femme sous influence qui va le plus loin. Une femme sous influence, c'est l'excès porté au cœur de la famille, le surgissement d'une folie implicite et refoulée. (…) Nous sommes, pour le meilleur et pour le pire, dans le domaine de l'indiscernable, de l'indémêlable avec ses grappes de corps. Inextricables enchevêtrements de mains, de pieds, de têtes, gisants sur le lit, ou prêts à basculer sur le sol. » (45)