mercredi 16 décembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La maladie est certes une affection du corps, de l'organisme, mais également une mise en jeu sociale du corps du patient doté de l'identité sociale de malade. Cette juxtaposition de niveaux d'interprétation de la maladie s'exprime d'ailleurs dans certaines langues. Ainsi, les termes anglo-saxons distinguent "disease" (la pathologie dans sa dimension biologique), "illness" (Le trouble, ressenti par l'individu) et "sickness" (la maladie comme rôle social)."(100)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"À la dimension culturelle des sensations doit être ajoutée la dimension historique : à l'échelle de l'individu, mais aussi des sociétés, la sensation est une construction historique, produit de représentations collectives. L'art livre ainsi des témoignages précieux sur la perception sensorielle propre à chaque époque (...) (98)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Les mises en jeu du corps que sont le travail et le sport complètent ainsi les effets de socialisation dans le modelage de la morphologie. Mais le corps n'est pas qu'architecture osseuse, agencement d'une certaine longueur ou d'un certain poids de chair. L'existence de l'individu au monde se caractérise par des échanges, des réponses physico-chimiques aux stimuli que sont les sensations. Si le fonctionnement de celles-ci peut être exposé sous forme d'équations, sa caractéristique biologique n'est pas contradictoire avec un raisonnement qui en montrerait les fondements sociaux et culturels." (91)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Au sujet d'anthropologues qui, comme SAPIR, BATESON et MEAD vont rompre avec l'évidence biologique : "Le corps trouve ainsi sa place dans une théorie générale de la culture et s'inscrit dans l'étude des mécanismes de la socialisation par lesquels le groupe façonne des individus à son image (...) Ils (les anthropologues) montrent ainsi que ce que nous appelons culture s'incorpore." (78)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Pour Marcel Mauss, il s'agit ici de techniques du corps, entendues comme "les façons dont les hommes, société par société, d'une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps". Transmis a la fois par l'éducation, dès la petite enfance, et par l'imitation, les gestes les plus simples sont acquis, de sorte "qu'en somme, il n'existe peut-être par de façon naturelle chez l'adulte". Les gestes apparemment les plus innés sont ainsi des techniques, entendues comme "acte traditionnel efficace"." (77)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Corps comme interface avec l'environement : " (...) il s'agirait au contraire de restituer à l'existence corporelle la dimension culturelle de ce qui semble le plus naturel. Ainsi, le corps, condition matérielle de la venue au monde, est aussi celle de l'être au monde. Par le fait même d'exister dans telle ou telle société, par l'action répétée de son travail, le corps se définit comme organisme spécifique, historiquement et géographiquement situé." (75)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Les corps sont ainsi façonnés, modelés matériellement, sous les effets de multiples facteurs imposés à l'individu : agissant à court ou long terme, produits par l'évolution historique ou les conditions économiques et structurelles, ces effets sont inconscients, involontaires, mais engendrent des formes corporelles déterminées." (72)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La définition du corps comme organisme semblait assigner d'emblée son étude à la biologie. Or, même à considérer le corps dans ses propriétés les plus matérielles - morphologie, mortalité et morbidité -, s'établissent des corrélations qui montrent que le corps, dès sa naissance, voire lors de sa gestation, n'est pas un donné naturel." (72)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps est doté de potentialités physiques effectivement traduisibles en termes de chimie ou de mécanique (...) Mais ces potentialités ne sont actualisées que par un processus de socialisation, qui les transforme en "techniques du corps" (...) Cette socialisation procède de façon infralangagière, modèle les corps par leur mise en jeu répétée et par l'imitation." (61-62)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"(...) Jean-Michel Berthelot pointe ainsi l'importance décisive des donnés structurelles sur le façonnement des corps modelés par un système de contraintes, niveau fondamental "où le corps, à travers sa mise en jeu répétée, comme outil, support de toute pratique, est simultanément produit comme forme corporelle déterminée" (Berthelot, 1983, 128)." (61)

mardi 15 décembre 2009

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Pour (Marcel Mauss), en effet, le propre de la sociologie est de traiter, contrairement à la psychologie ou à la biologie, des hommes "totaux", c'est-à-dire des hommes concrets qui sont à la fois corps, conscience individuelle et collectivité." (55)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

(Pour parvenir à penser le corps, la sociologie s'affranchiera de la biologie stricte) : "C'est ainsi à une véritable rupture épistémologique qu'elle va se trouver confrontée : ne plus envisager le corps, soit comme un donné naturel, qui constituerait en quelque sorte le repoussoir de toute entreprise réflexive, soit comme un outil heuristique et conceptuel de compréhension du social, mais comme un objet sociologique, un "fait social total" pour reprendre les termes de Marcel Mauss." (55)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La sociologie naissante, pour constituer son champ propre, est ainsi amenée à se désincarner, traitant davantage de l'action sociale que des individus, laissant en quelque sorte le corps pour en sauver l'étude des mises en jeu : les acteurs sociaux sont considérés par leur place dans la société, mais coupés de toute réalité." (53)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Toute la tradition occidentale, philosophique et scientifique, pose ainsi le corps comme un objet, une chose de chair et de sang, un alter ego (Le Breton, 1990). Que l'autre terme de l'opposition soit la vérité, l'âme ou la raison, le savoir sur le corps relève de la biologie et de l'anatomie." (53)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Sur l'objectivation progressive du corps en Science : " Les planches anatomiques de Vésale, reprises par les encyclopédistes ou, au XVIIe siècle également, de Gautier Dagoty, squelettes dansant ou nonchalamment appuyés sur une colonne, femmes fardées et coiffées, à la pose charmante et aux ventres ouverts, mettent en scène l'organe, de la même façon que les dissections sont alors spectacles. Le corps, même écorché, garde des postures humaines, se meut dans un décor de collines, quasi indifférent à la blessure béante qui dévoile un foetus ou un coeur... La planche anatomique, peu à peu, abandonne décors et expressions de sentiments ou d'individualité. Le corps devient chair, exposée, se sépare même de toute référence à la réalité visible et sensible." (49)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Par ailleurs, si des types existent, et que l'on peut les inventorier, partant de la réalité corporelle pour en déduire le sens, il devient possible de jouer sur ces codes. Si chaque émotion se traduit par une manifestation physique donnée, si un caractère induit tel ou tel trait du visage, il suffit de les reproduire pour exprimer artificiellement cette émotion par exemple." (41)

- de la physiognomonie au jeu conscient du comédien

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

" (...) Physiognomonica, qui suppose l'interdépendance entre l'âme et le corps qu'elle a façonné. De physis ("nature") et gnomon ("qui connaît"), la physiognomonie est ainsi l'art de juger quelqu'un d'après son aspect physique : les traits physiques permettent ainsi de connaître au premier coup d'oeil , pour qui cultive "l'art de connaître les hommes", les traits de caractère, les inclinations, les penchants naturels." (38)

Grands principes : ethnologie, anatomie, zoologie.

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"La conception mécaniste de l'organisme imprègne tout le XIXe siècle, même si le principe moteur n'y est plus la fibre, mais l'énergie et la combustion, révolution industrielle oblige. Le corps est une machine à vapeur et fonctionne sur le même modèle : la digestion, la respiration lui fournissent des carburants, qu'elle consume pour produire de l'énergie." (37)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

Sur le corps-machine de Descartes au XVIIe siècle : "Face à l'esprit pensant, établi comme sujet (le fameux "cogito, ergo sum"), le corps est objet : il relève de la mécanique (...)" (33)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Ainsi, il n'existerait à réellement parler de sociologie du corps, mais plutôt une sociologie des usages sociaux du corps, toute pratique sociale étant à la fois mise en jeu du corps, mais par là même production du corps, dirigée par et pour une société donnée. La sociologie de ces usages sociaux du corps emprunterait alors deux axes, dont l'un serait l'exploration des ritualisation et perpétuations, des représentations, des valeurs, des normes et de la conformation du corps réel à un corps idéal (...) La deuxième voie d'investigation serait alors l'étude de "ce niveau le plus fondamental, celui où le corps, à travers sa mise en jeu répétée, comme outil (...) est simultanément produit comme forme corporelle déterminée" (Berthelot, 1983). " (23)

DETREZ, Christine, La construction sociale du corps

"Le corps serait ainsi impossible à saisir dans sa multidimensionnalité et se présenterai comme "éclaté, segmenté, monstrueusement développé ou atrophié selon la manière dont le rencontre telle ou telle discipline" (Berthelot, 1983, p. 125)." (22)